L’Armen Race
Le point d’orgue de la saison pour nous depuis plusieurs années. C’est la course qui nous permet de nous mesurer aux autres bateaux hors de la baie de Quiberon, qui permet de gérer la conduite aux différentes allures sur des bords de plusieurs heures, de rencontrer la houle de l’atlantique, de fonctionner en quarts et de gouter au plaisir de passer la ligne d’arrivée après plusieurs jours en mer.
Sauf que jusqu’ici nous étions en équipage, 6 en général, 6 pour se partager les taches, faire à manger, exécuter les manœuvres, changer les voiles, empanner le spi, etc., et cette fois ci nous ne sommes que 2 pour tout faire. Ça fera peut-être sourire les chevronnés mais c’est une première pour nous !
Notre entrainement dans le golfe de Gascogne encore frais dans la mémoire, nous nous retrouvons mercredi pour préparer le bateau. C’est l’effervescence à la trinité. Tout le « monde » est là : skippers, organisation. 14 classes sont représentées pour 227 bateaux, dont 72 dans notre catégorie, les « IRC double ». Autant dire que le départ va être tendu et la concurrence très rude !
Dernier briefing météo avec Orlabay : a priori les conditions seront très favorables sauf pour le départ pour lequel les prévisions sont incertaines. Rien n’est joué pour personne donc.
C’est donc assez concentrés que nous remontons le chenal de la Trinité vers la zone de départ. Le spectacle est grandiose, autant de voiliers sur l’eau qui se croisent et se recroisent en attendant le signal du départ, en essayant de se positionner au mieux pour prendre l’avantage sur les autres, avec pèle-mêles des class40 de derniere génération et des bateaux de croisière plus ou moins préparé pour la régate, le ballet est constant et on se demande par quel miracle personne ne se rentre dedans.
Soucieux de préserver l’intégrité de notre bateau, et conscient que nous ne pouvons pas rivaliser en vitesse et en angle au vent au près – qui est l’allure du départ – nous partons en deuxième rideau. Sur une course aussi longue le départ a son importance mais n’est pas si déterminant que ca pour le résultat final.
Les conditions sont meilleures que prévu pour sortir de la baie entre Belle Ile et Quiberon via le chenal de la Teignouse. Nous parvenons à nous maintenir dans la flotte pendant ce long bord de près, ce qui n’est pas une mince affaire car nous avons depuis le début beaucoup de difficulté à être performants à cette allure avec ce bateau qui est conçu pour les allures de portant.
Arrivés au chenal ça se complique sérieusement. La marée montante crée un fort courant contraire qui rend le passage très difficile. Nous perdons pas mal de place à cette occasion et entamons à nouveau un bord de près pour remonter le long de Quiberon vers le nord. En effet le vent vient d’Ouest – c’est notre route – et nous attendons une « bascule » vers le Nord – le vent doit changer de direction – pour poursuivre notre route sous une allure plus favorable.
Une fois la bascule effective nous pouvons enfin affaler le génois, lancer le Code 0 (une sorte de petit spi asymétrique) qui nous permet de descendre à un très bon rythme vers les Glénans. C’est là que le potentiel de notre OFCET se révèle. Nous remontons quelques concurrents et ça fait un bien fou !
Arrivés au Glénans nous visons a présent la bouée virtuelle Uship 1 qui marque la fin du parcours vers l’Ouest. Nous hissons à nouveau le génois et entamons (encore) un long bord de près légèrement dessérré qui nous pénalise par rapport à nos concurrents. La nuit s’installe, on commence les quarts. Pendant la nuit, nous atteignons Uship 1, puis Uship 2, et dès le vendredi matin nous sommes sur le chemin du retour vers l’ile d’Yeu sous Code 0 puis spi asymétrique, en comptant sur une nouvelle bascule de vent à l’Ouest. Nous visons donc assez haut sur la route vers Belle Ile. A l’AIS (système qui permet de voir les autres bateaux sur la carte), les concurrents ne semblent pas tous d’accord sur la route à suivre et la flotte s’étale en largeur entre l’option Nord et l’option Sud.
Ce bord vers l’ile d’Yeu est un pur plaisir. Nous surfons sur les vagues sous spi à 10, 11, 12 nœuds. Ce bateau est capable de plus mais nous ne descendons pas assez dans le sens des vagues pour en profiter davantage.
Nous mesurons notre avantage à ces allures en rattrapant plusieurs concurrents qui ont renoncé à garder leur spi face à la difficulté de le tenir. Le vent monte rapidement après Belle Ile et tutoie les 20 nœuds en apparent. Nous affalons le spi et ressortons encore le Code 0. Nous arrivons à Yeu en fin de journée et commençons la remontée vers la Trinité à nouveau au près.
Ce dernier bord est particulièrement difficile. Nous remontons à 30 nœuds de vent apparent dans une nuit noire. Autour de nous les lumières de Yeu, de Saint Nazaire, du champ d’éolienne, et des autres bateaux se confondent si bien qu’il faut régulièrement consulter la carte pour vérifier que nous ne sommes pas en route de collision.
En pleine nuit vers 3h un énorme spot éclaire tout le bateau. C’est un bateau de pêche surgit de nulle part qui se signale et vérifie ce qui passe devant lui !
Nous retrouvons des conditions très similaires à notre traversée du golfe de Gascogne. On se croise toutes les deux heures, on augmente sensiblement notre consommation de gants et de chaussettes sèches, et finalement ce bord passe assez vite
Vers 10h30 samedi matin nous distinguons enfin l’entrée du chenal de la Trinité. Il fait un temps magnifique et des dizaines de bateaux sont de sortie pour se rendre dans le Golfe du Morbihan pour admirer la parade des vieux gréements organisée pour la semaine du golfe.
Il faut imaginer que nous sommes au près serré, bateau gité à 40° en mode régate, pantalon et veste de quart trempés, gilet de sauvetage, balise AIS, bref en mode course le couteau entre les dents, et nous croisons des plaisanciers en short qui nous lancent de sympathiques « bravo » depuis leurs bateaux de croisière..
A 11h13 nous contactons le comité de course à la VHF et coupons la ligne d’arrivée.
Bilan :
Les plus :
- Nous sommes à peine fatigué grâce à notre bonne gestion des quarts testée sur la traversée du Golfe de Gascogne.
- Nous sommes parvenus à tirer très correctement sur notre bateau à toutes les allures
- Nous avons terminé la course - 310 miles – en 1 jour 20 heures et 48 minutes, ce qui constitue notre record de vitesse sur ce parcours ! sachant que la ligne fermait le dimanche à 8h du matin.
Les moins :
- Nous ne sommes pas compétitifs au près. Plusieurs raisons à cela : inexpérience, peut être aussi les voiles qui ne sont pas optimales. Sur course à 50% de près ça fait très mal. Heureusement on devrait s’attendre rencontrer beaucoup moins cette allure sur la transat.
- Nous devons davantage anticiper les conditions météo et les changements de voile. Nous nous sommes laissé surprendre par les conditions lors de la remontée de l’ile d’Yeu.
Au final nous rentrons à Paris des souvenirs pleins la tète, des idées d’optimisation à revendre, et une envie assez pressante de repartir sur l’eau.
Prochain rendez-vous : le week end du 18 juin avec notre association partenaire Grand Largue, lors duquel nous emmènerons des jeunes prendre la mer avec nous !
